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Ces dernières années ont vu un changement radical dans la conception des formations en travail social : désormais, la totalité des diplômes est organisée avec des référentiels (de compétences, de formation, de certifications…). Cela signifie qu’au-delà des contenus d’un programme de formation, d’emblée est interrogée la capacité de la personne en formation à intégrer les situations dans lesquelles elle se trouve et à faire appel à des connaissances, un savoir-faire, des attitudes ajustées et pertinentes.

D’autre part les frontières entre professionnels qualifiés et non professionnels (aidants familiaux, bénévoles, militants…) sont devenues plus floues. Et puis la distinction entre qualification et non qualification se double sur fond de précarisation des personnes et des liens sociaux, d’une disqualification touchant l’ensemble des acteurs, le secteur du travail social et de l’intervention sociale étant de moins en moins choisi par les nouveaux étudiants.

Par ailleurs la réingénierie régulière des diplômes montre un double mouvement contradictoire, une diversification des formations et l’amorce d’une unification autour d’un socle commun, laquelle se trouve encore renforcée par la référence aux compétences comportementales, transversales et humaines, attendues des candidats.

La multiplicité des administrations sociales en France n’est pas sans interroger sur l’efficacité de ses politiques sociales et médico-sociales. On rencontre en effet, à côté d’administrations centrales et de leurs établissements publics nationaux relevant de ministres différents, de nombreux acteurs, administratifs locaux qu’ils relèvent des services déconcentrés de l’État, de services publics décentralisés par secteurs (organismes de Sécurité sociale, agences régionales de santé) ou des collectivités territoriales (régions, départements, communes, communautés de communes…) ou issus de démembrements (CCAS, CIAS, établissements publics locaux).

Encadrés et généralement financés au moins en partie par ces administrations, interviennent des opérateurs publics, associatifs, mutualistes ou lucratifs, gérant des services ou établissements de statuts divers par délégation publique ou non.

Il en résulte un enchevêtrement administratif que ce numéro de Vie sociale vise à éclairer, en examinant son histoire, ses modalités, ses conséquences sur le plan de certaines politiques d’action sociale et médico-sociale et en s’interrogeant sur les possibilités de simplification ou d’adaptation afin d’assurer un meilleur service public pour les bénéficiaires.

HANDICAPE ET/OU VIEUX : L’IMPORTANCE DE VIVRE SA VIE, SELON SES PROPRES CHOIX
Autobiographie d’un vieillissement handicapé Marcel Nuss
« Debout les Aîné·e·s ». Un plaidoyer pour développer ou restaurer le pouvoir d’agir Vincent Verbeeck
L’expérience de la vie collective par les habitants d’un « béguinage » pour personnes âgées. Motivations plurielles, projections ambivalentes et relations à géométrie variable Hugo Bertillot, Damien Vanneste

POLITIQUES PUBLIQUES, INCLUSION ET LOGIQUES CAPACITAIRES
Quelles évolutions dans la prise en compte du vieillissement des personnes en situation de handicap par les politiques publiques en France ? Bernard Ennuyer
La notion de besoin. New Public Management et pensée capacitaire Loïc Andrien
Le basculement inclusif : nouveau paradigme ou brouillard doxique ? Jean-Yves Barreyre
Changement de paradigme, éloge de l’invisibilité et du désordre Entretien de Kevin Charras avec Muriel Delporte

PARCOURS DE VIE, AUTODETERMINATION, DECLOISONNEMENT : EVOLUTION DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES ET DES CADRES ORGANISATIONNELS
Sens interdits ou sans interdit ? François Vialla
Autodétermination et vieillissement des personnes avec déficience intellectuelle. Des repères pour penser le processus de vieillissement acteur et l’individualisation des réponses Romina Rinaldi, Erika Wauthia, Chloé Croes
Que faire pour Mme Monet ? Quand la maladie d’Alzheimer fait irruption dans un foyer de vie pour personnes en situation de handicap Muriel Delporte, Amandine Sanno
Lier parcours de vie et trajectoires de services pour améliorer la qualité des systèmes de santé Yves Couturier, Julie Martin, Maxime Guillette

UNE INSTITUTION QUI EVOLUE…
L’éthique de la protection de l’enfance Fabrice Gzil
Le droit à être protégé : des principes aux pratiques Geneviève Avenard
La construction de la politique publique de protection de l’enfance et ses vicissitudes Anne Oui
Une protection de l’enfance en partenariat ? Violaine Blain
Les enjeux de la décentralisation de la politique de protection de l’enfance Jean-Paul Bichwiller
Quatre niveaux d’évaluation en protection de l’enfance Pierre Naves
Penser la formation comme une condition de l’intervention en protection de l’enfance Anne Devreese, Julie Chapeau
Observation de la crise sanitaire de la Covid-19 en protection de l’enfance Agnès Gindt-Ducros

… MAIS DE NOUVELLES QUESTIONS
L’enfant et ses parents : des sujets-clés en protection de l’enfance Séverine Euillet, Carl Lacharité
Repères pour un renouvellement des pratiques en protection de l’enfance Claire Chamberland, Paola Milani
Considérés par le bas, les parcours en protection de l’enfance Pierrine Robin
L’archipel relationnel Entretien de Léo Mathey avec Pierrine Robin
Les institutions réinterrogées par l’impératif démocratique de participation en protection de l’enfance Élodie Faisca
La correspondance numérique des enfants placés Émilie Potin 207 « Ici, on peut s’autoriser à prendre un jeune dans les bras » : l’engagement des émotions en protection de l’enfance Sarra Chaïeb
« Enfants d’ailleurs ». La protection de l’enfance à l’épreuve des migrations juvéniles internationales Cléo Marmié
La conférence familiale : une autre éthique de l’intervention ? Marie-Pierre Auger
Une petite île comme laboratoire de la République : le confiage institutionnalisé à Saint-Martin Gilles Séraphin

S’en sortir » ou de la mobilité sociale. Notions et concepts discutables et à discuter Patrick Dubéchot

POLITIQUES LOCALES, PRATIQUES ET EXPERIMENTATIONS EN DIRECTION DE LA JEUNESSE
Inégalités intragénérationnelles au moment de l’entrée dans l’âge adulte.
Apports des sciences sociales Yaëlle Amsellem-Mainguy
La réussite académique à l’université dépend-elle des études supérieures de ses parents ? Olga Kasatkina, Laurent Lima et Nadia Nakhili
Les trajectoires d’ascension scolaire des jeunes issus de l’immigration Fabien Truong, entretien réalisé par Didier Gelot
Invisibilité des jeunes en milieu rural, comment les « jeunes sans Cité » « s’en sortent » ? Effet des pratiques de citoyenneté sur la mobilité géographique et la reconnaissance sociale Cécile Vachée, Sophie Ruel, Christophe Dansac
Avancer, évoluer pour trouver sa place. Parcours de jeunes accompagnés par la mission locale de Blois Thomas Prigent, Yvan Leroy, avec le concours de Patrick Dubéchot
Ces enfants placés qui deviennent travailleurs sociaux Étienne Lucas, Marc Chabant, Julie Basset, avec le concours de Patrick Dubéchot

EFFETS DES POLITIQUES « JEUNESSE » NATIONALES ET EUROPEENNES SUR LA MOBILITE SOCIALE DE JEUNES QUI « S’ENSORTENT »
Les jeunes créateurs d’entreprise : quels parcours ? Quel accompagnement ? Hélène Falgon, John Ward
Donner aux jeunes vulnérables du temps au présent pour miser sur l’avenir Samuel James, Aude Kerivel, avec le concours de Cécile de la Broüe de Vareilles, Hannah Gautrais
Ce qu’une « sortie positive » de la Garantie jeunes veut dire Julie Couronné, Marie Loison-Leruste, François Sarfati
Jeunes en difficulté d’insertion au sein de l’Union européenne : quelle action publique privilégier ? Florence Lefresne

LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DE LA SOLIDARITE
Être solidaire. De qui, pour quoi ? Marie-Claude Blais
L’évolution complexe des politiques sociales de solidarité Brigitte Bouquet, Gaëlle Boul, Nabila Mouhoud
La trajectoire politique de la notion de solidarité Malka Dubreu
Politiques de solidarité et lutte contre la pauvreté Dominique Giorgi
De la notion de solidarité à sa professionnalisation, l’emprise du genre dans cette histoire Cathy Bousquet

LES CCONCEPTIONS ET LES PRATIQUES DE LA SOLIDARITE
L’accessibilité ou la solidarité reconfigurée ? Serge Ebersold
Quand la « solidarité de droit » et la « solidarité d’engagement » s’entrelacent Exemple des réclamations collectives relatives aux droits des enfants et des familles introduites dans le cadre du Protocole additionnel à la Charte sociale européenne Anna Rurka
L’engagement à l’épreuve d’un « faire » Pascal Nicolas-Le Strat
Du partage d’expérience à la signature d’un manifeste sur l’exercice des droits Les formes d’engagement dans la recherche citoyenne Capdroits Des co-chercheurs de la démarche Capdroits
« Une réponse accompagnée pour tous », la solidarité d’engagement en pratique Marina Drobi
Des relations de réciprocité intergénérationnelle en crise Une ethnographie de la prise en charge des personnes âgées dans les milieux ruraux chinois Jingyue Xing et Jun Chu
Le délit de solidarité en débat Brigitte Bouquet

LES PROFESSIONNELS ET LES MILITANTS DE LA SOLIDARITE
L’hébergement de réfugiés chez des particuliers. Liberté, humanité, solidarité Élodie Rémy
L’ess et le travail social : les nouvelles convergences entre deux conceptions de la solidarité Marcel Jaeger 231 Du travail social à l’économie sociale et solidaire Jean-Louis Laville

VARIA
Polyvalence de secteur : un modèle qui perdure en s’adaptant ? Lucienne Chibrac, Marie-Paule Cols

Introduction
Avec ce titre, le lecteur découvrira une prise de position en un débat inversé. Dit autrement, il s’agit de penser l’avenir des technologies numériques dans un champ professionnel qui, compte tenu des fragilités et vulnérabilités des publics auxquels il s’adresse et de la persistance des inégalités sociales, apparaît – encore davantage qu’ailleurs – essentiel (comme une ressource indispensable) au vivre ensemble en ce début de xxie siècle.

2Le constat est irréfutable. Les professionnels du social et du médico-social sont appelés maintenant à composer avec l’universalité du numérique, avec sa profusion d’innovations technologiques et avec la généralisation d’Internet qui rapprochent et relient un très grand nombre d’individus. Aussi est-il important que le lecteur saisisse d’emblée l’esprit dans lequel les textes présents dans ce numéro de Vie sociale ont été rassemblés.

3Après avoir accepté, dans les années 1990, l’introduction de nombreux logiciels de gestion (sous le sceau de l’évaluation) doublée d’une coordination de plus en plus managériale et technicisée (en mode projet) des dispositifs, des parcours de leurs publics, ce n’est, rien de moins, qu’à l’appropriation des technologies numériques que doivent maintenant s’atteler les décideurs et travailleurs sociaux. Cette évolution s’engage dans une perspective non seulement d’adaptation de leur travail aux nouvelles conditions d’emploi, mais également d’émancipation de celui-ci. Si la maîtrise des usages de ces technologies devient une compétence transversale pour chaque groupe professionnel, elle est encore plus indispensable pour celles et ceux qui font face à des publics en situation de handicap, de fragilité et/ou de vulnérabilité. La sélection des textes ici proposée s’est faite sur une base simple : toute analyse en termes d’appropriation des technologies numériques et d’évolution de la transition digitale renvoie, dans le champ du social et médico-social, à l’étude des acteurs et des actions qu’ils impulsent dans ce domaine. Un fil rouge relie l’ensemble des textes selon trois approches, celles de l’innovation, de l’identité et de l’appropriation.

Présentation de l'éditeur
Vivre à la rue contribue à maintenir les personnes dans une forme de désocialisation que les dispositifs d’urgence sociale actuels ont une extrême difficulté à inverser. Sous le nom de Housing first, devant ce constat, sont apparues au cours des années 2000 de nouvelles pratiques critiques des modes d’intervention institutionnels existants. Cette approche, prenant place dans le mouvement historique de la désinstitutionnalisation, ne soumet pas l’accès à un logement autonome à l’inscription préalable de la personne sans-abri dans des soins ou une démarche de sevrage de ses éventuelles addictions. Au vu de sa diffusion internationale, les promoteurs de ce modèle ont l’ambition de faire face au nombre croissant de personnes sans-abri, problème public majeur des pays industrialisés de ces dernières décennies. Leur slogan emblématique : « Zéro sdf ».

Ce numéro double de Vie sociale constitue le premier travail, dans l’espace francophone, s’efforçant de documenter la genèse du modèle Housing First outre-Atlantique, de suivre son déploiement en Europe, avec un focus particulier sur le programme français « Un chez-soi d’abord », qui est le plus important des expérimentations européennes. « Au-delà du sans-abrisme et de la psychiatrie », cette approche fait le pari des capacités des personnes lorsqu’elles sont logées sans condition autre qu’un accompagnement pluri-professionnel intensif ad hoc.

Ce numéro donne ainsi à connaître les modalités de l’implémentation politique, les grands principes de l’accompagnement d’un public sans-abri caractérisé par des troubles sévères de santé mentale et les résultats des recherches évaluatives disponibles des deux côtés de l’Atlantique. Après une décennie d’expérimentations et de recherches évaluatives, ce travail original apporte pour la première fois des connaissances scientifiques permettant de critiquer et de renouveler la réflexion collective sur les résultats et les effets de cette nouvelle approche.